Cour d’appel : La Poste sanctionnée pour son plan vigilance

Auteur : Dorothée Le Fraper du Hellen

Date publication : 26 juin 2025

Plan vigilance : la Cour d’appel confirme la sanction de La Poste

Première décision majeure sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de droits humains et environnementaux

Une première décision en matière de devoir de vigilance des entreprises

Le 17 juin 2025, le Pôle 5 Chambre 12 de la Cour d’appel de Paris a rendu sa première décision en matière d’application de la loi du 27 mars 2017 sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de respect des droits humains et environnementaux, dite loi vigilance. Créée pour traiter des contentieux émergents, la Cour d’appel rend ici un premier arrêt sur ce fondement et clarifie l’étendue de la loi et les exigences requises pour l’identification des risques et la prévention des atteintes graves envers les droits humains, les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement, résultant des activités des sociétés concernées par la loi.

La loi sur le devoir de vigilance des entreprises précise que le plan comporte les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains, les libertés fondamentales, la santé, la sécurité des personnes ainsi que l’environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu’elle contrôle au sens du II de l’article L. 233-16 du code du commerce, directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation.

L’affaire La Poste : une mise en demeure pour insuffisance du plan de vigilance

En l’espèce, La Poste est soumise aux dispositions de l’article L.225-102-4 du code de commerce (renuméroté L.225-102-1 à compter du 1er janvier 2025) issues de la loi 2017-399 du 27 mars 2017 selon lesquelles “Toute société qui emploie, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège est situé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l’étranger, établi et met en œuvre de manière effective un plan de vigilance.”

La Fédération des syndicats solidaires unitaires et démocratiques des activités postales et de télécommunications (Sud Ptt) invoquant les insuffisances du plan de vigilance mis en place par La Poste en 2021 a mis en demeure La Poste de compléter ce plan sous réserve d’engager des poursuites judiciaires. La Poste n’a pas donné suite à cette demande considérant que son plan répondait aux exigences de l’article L.225-102-4 du code de commerce. C’est dans ce contexte, que par acte du 22 décembre 2021, la Fédération des syndicats a fait assigner la SA La Poste devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins d’injonction sur le fondement de la Loi Vigilance.

Par jugement du 5 décembre 2023, le Tribunal judiciaire de Paris a enjoint à La Poste de compléter son plan de vigilance. La Poste est ainsi devenue la première entreprise à faire l’objet d’une décision judiciaire en France constatant le non-respect de la Loi de 2017 sur le devoir de vigilance. Elle a d’ailleurs relevé appel de cette décision.

La Cour d’appel confirme la condamnation et précise les obligations des entreprises

Par arrêt en date du 17 juin 2025, la Cour d’appel de Paris a confirmé le jugement de première instance, enjoignant à La Poste de compléter son plan de vigilance et a précisé le champ d’application de la loi de 2017.

Pour la Cour, il résulte de l’article L.225-102-4 du code de commerce que « la finalité des mesures contenues dans le plan de vigilance est double puisqu’elles doivent permettre d’identifier les risques liés aux activités des sociétés concernées, comprenant les sous-traitants et les fournisseurs, mais également de prévenir les atteintes graves dans les trois domaines concernés par le devoir de vigilance (les droits humains et les libertés fondamentales / la santé et la sécurité des personnes / l’environnement) ». En particulier, la Cour relève que l’étape initiale de cartographie des risques revêt un trop haut niveau de généralité, alors qu’il convient de mettre en évidence les risques qui présentent le niveau le plus élevé par le biais d’une cartographie qui les identifie, les analyse et les hiérarchise, et ce, distinctement et indépendamment des mesures mises en œuvre, ce qui peut être fait de façon synthétique mais néanmoins précise.

La Cour confirme le jugement en ce qu’il a enjoint à La Poste de compléter son plan de vigilance par un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements après avoir procédé à une concertation avec les organisations syndicales représentatives dans ladite société.

La Cour note que c’est à juste titre que le tribunal a jugé que le compte-rendu de La Poste sur la mise en œuvre et les effets des mesures de vigilance ne permettait pas de servir de bilan utile pour orienter l’action en matière de vigilance et qu’il y avait lieu d’enjoindre à La Poste de publier un réel dispositif de suivi des mesures de vigilance.

La Cour confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et renvoie La Poste à revoir la copie de son plan de vigilance et à le compléter dans le respect des exigences de la Loi de 2017.

————————-
Pour consulter la décision de la COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 12 – ARRÊT DU 17 JUIN 2025
Cliquer ici

 

Les autres actualités

Partagez cette actualité, choisissez votre plateforme !

Prendre contact