Un divorce pour faute fondé sur l'absence de relations sexuelles
L'affaire porte sur un divorce pour faute, prononcé aux torts exclusifs de l'épouse au motif qu'elle avait cessé d'avoir des relations sexuelles depuis de nombreuses années avec son conjoint. La requérante a saisi la Cour européenne en invoquant la violation de l'article 8 sur le droit au respect de la vie privée, ne se plaignant pas du divorce en tant que tel mais des motifs pour lesquels il a été prononcé. La Cour a tranché en sa faveur et a jugé qu'une femme qui refuse des rapports sexuels à son mari ne doit pas être considérée par la justice comme « fautive » en cas de divorce.
Une ingérence dans la liberté sexuelle et le respect de la vie privée
La Cour a considéré que « la réaffirmation du devoir conjugal et le fait d'avoir prononcé le divorce pour faute au motif que la requérante avait cessé toute relation intime avec son époux constituent des ingérences dans son droit au respect de la vie privée, dans sa liberté sexuelle et dans son droit de disposer de son corps ». Ces mesures sont particulièrement intrusives, en ce qu'elles touchent à l'un des aspects les plus intimes de la vie privée de l'individu. Ces ingérences dans les droits de la requérante étant le fait d'autorités publiques, la Cour a estimé qu'elles doivent être examinées sous l'angle des obligations négatives.
Dans la mesure où les ingérences en cause touchent à l'un des aspects les plus intimes de la vie privée de la requérante, la Cour estime que la marge d'appréciation laissée aux États contractants est étroite. Elle rappelle que seules des raisons particulièrement graves peuvent justifier des ingérences des pouvoirs publics dans le domaine de la sexualité. « En l'espèce, la Cour constate que le devoir conjugal, tel qu'il est énoncé dans l'ordre juridique interne et qu'il a été réaffirmé dans la présente affaire (paragraphes 14 et 19 ci-dessus), ne prend nullement en considération le consentement aux relations sexuelles, alors même que celui-ci constitue une limite fondamentale à l'exercice de la liberté sexuelle d'autrui. »
Consentement, violences sexuelles et dignité humaine : un rappel fondamental
La Cour rappelle que « tout acte sexuel non consenti est constitutif d'une forme de violence sexuelle ». La Cour en déduit que l'existence même d'une telle obligation (« devoir conjugal ») « est à la fois contraire à la liberté sexuelle et au droit de disposer de son corps et à l'obligation positive de prévention qui pèse sur les États contractants en matière de lutte contre les violences domestiques et sexuelles ». La Cour ajoute qu'elle « ne saurait admettre que le consentement au mariage emporte un consentement aux relations sexuelles futures. Une telle justification serait de nature à ôter au viol conjugal son caractère répréhensible ».
La Cour européenne juge « de longue date que l'idée qu'un mari ne puisse pas être poursuivi pour le viol de sa femme est inacceptable et qu'elle est contraire non seulement à une notion civilisée du mariage mais encore et surtout aux objectifs fondamentaux de la Convention dont l'essence même est le respect de la dignité et de la liberté humaines. Aux yeux de la Cour, le consentement doit traduire la libre volonté d'avoir une relation sexuelle déterminée, au moment où elle intervient et en tenant compte de ses circonstances ». Il en résulte que « la réaffirmation du devoir conjugal et le prononcé du divorce aux torts exclusifs de la requérante ne reposaient pas sur des motifs pertinents et suffisants et que les juridictions internes n'ont pas ménagé un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu. Les éléments qui précèdent suffisent à constater la violation de l'article 8 de la Convention ».
Affaire H. W. c. France du 23.01.2025 (Requête n° 13805/21)
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