GPA : le lien de filiation non biologique

Auteur : Dorothée Le Fraper du Hellen

Date publication : 25 novembre 2024

gpa - filiation

Reconnaissance en France d’un lien de filiation non biologique résultant d’une GPA pratiquée à l’étranger (pourvoi n° 23-50-016)

Lien utile : Communiqué: GPA faite à l’étranger sans lien biologique avec l’enfant | Cour de cassation

En France, la GPA (gestation pour autrui) est interdite. Elle consiste à recourir à une mère porteuse pour avoir un enfant (moyennant généralement rémunération). L’article 16-1 du Code civil précise que « Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial. » Dans un arrêt du 31 mai 1991, la Cour de cassation avait posé comme principe fondamental que le contrat de GPA devait être reconnu comme nul au motif de l’atteinte à la dignité des êtres humains. Depuis cet arrêt de principe, la jurisprudence n’a eu de cesse d’évoluer sur cette question, la GPA devenant un véritable enjeu sociétal.

Par un arrêt fondamental du 14 novembre 2024, la Première chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur une question de filiation en lien avec une GPA pratiquée à l’étranger et a estimé que lorsqu’un enfant né d’une GPA à l’étranger n’a aucun lien biologique avec le parent d’intention, la filiation établie légalement dans cet autre pays peut être reconnue par la France, car l’absence de lien biologique ne heurte aucun principe essentiel du droit français. La Cour précise que pour que la décision soit reconnue en France, le juge français doit vérifier notamment l’absence de fraude et le consentement des parties à la convention de GPA.

En l’espèce, une ressortissante française s’est rendue au Canada pour recourir seule à une GPA, pratique autorisée dans ce pays. La justice canadienne l’a déclarée mère légale de l’enfant. De retour en France, la femme a diligenté une procédure d’exéquatur de la décision canadienne pour faire produire à la filiation établie par le droit canadien les effets d’une adoption plénière en France. Par un arrêt en date du 18 avril 2023, la cour d’appel de Paris a fait droit à sa demande. Le procureur général près la cour d’appel de Paris a formé un pourvoi en cassation. Il fait grief à l’arrêt attaqué de confirmer un jugement déclarant exécutoire sur le territoire français une décision étrangère ayant établi la filiation d’un enfant né par GPA avec le parent d’intention sans aucun lien biologique avec l’enfant alors que cela contrevient à l’ordre public international français. Il considère également que les règles de l’adoption internationale ont été détournées et que la cour d’appel a fait une révision prohibée de la décision étrangère en faisant produire en France les effets d’une adoption plénière.

En premier lieu, la Cour va estimer, se fondant sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, qu’au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, la circonstance que l’enfant soit né à l’étranger d’une GPA, pratique prohibée en France, « ne peut à elle seule, sans porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l’enfant, faire obstacle à la reconnaissance en France des liens de filiation établis à l’étranger tant au regard du parent biologique qu’au regard du parent d’intention ». En deuxième lieu, la Cour relève qu’« aucun principe essentiel du droit français n’interdit la reconnaissance en France d’une filiation établie à l’étranger qui ne correspondrait pas à la réalité biologique ». En droit français il est vrai, il existe plusieurs modes d’établissement de la filiation qui permettent d’établir des filiations non conformes à la réalité biologique (PMA, reconnaissance d’un enfant sans lien biologique). Le Juge français doit également vérifier l’absence de fraude et contrôler le consentement des parties à la convention de GPA. Pour ce faire, le juge français doit pouvoir vérifier au travers de la motivation de la décision étrangère l’identité des personnes ayant participé au projet parental et s’assurer du consentement de toutes les parties à la convention de GPA, notamment la mère porteuse. Par ailleurs, la Cour relève que la filiation établie dans la décision étrangère dont il est demandé exequatur est reconnue en tant que telle en France et produit les effets qui lui sont attachés conformément à la loi applicable à chacun de ces effets. Elle rejette en conséquence la demande du parent d’intention tendant à voir juger que la décision étrangère produise les effets d’une adoption plénière.

Il va sans dire que cet arrêt innovant risque d’entraîner des répercussions multiples en matière de filiation et de reconnaissance en France d’une décision étrangère établissant un lien de filiation non biologique à la suite d’une GPA pratiquée dans un autre pays.

(Sur les conditions de l’exequatur et le contrôle du juge sur l’application en France des décisions de justice étrangères, Première chambre civile de la Cour de cassation, arrêts du 2 octobre 2024 : Communiqué : GPA – Contrôle du juge sur l’application en France des décisions de justice étrangères | Cour de cassation).

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